Traité sur la Tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas

"Prière à Dieu"

Introduction

Le Traité sur la Tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas (1763) présente à la fois une étude historique de l'affaire Calas et un ardent plaidoyer pour la liberté de penser ; Voltaire en exprime la conclusion philosophique au chapitre XXIII dans sa "Prière à Dieu".

Axes de lecture

Le texte présente toutes les caractéristiques d'une prière ;

Cette prière s'adresse autant aux hommes qu'à Dieu : une prière déiste qui vise à dénoncer l'intolérance et appelle à la fraternité.

I. Une prière qui ressemble à une prière chrétienne

  1. Un titre explicite et une composition en trois mouvements :
    - élévation vers Dieu : "c'est à toi Dieu..."
    - requête suppliante : "fais que..."
    - souhait final (§ 2)

  2. Une demande adressée à Dieu
    - l'apostrophe de la 1ère ligne : "c'est à toi, Dieu... 
    - les nombreuses occurrences de la 2ème personne désignant l'interlocuteur.

  3. L'expression de la grandeur de Dieu et l'insistance sur la faiblesse humaine, justifiant une supplication
    - insistance sur les attributs divins : puissance et éternité, omnipotence, omniscience et omniprésence.
    - la faiblesse humaine, sa fragilité, ses imperfections.

  4. L'expression de la supplication
    - formules soulignant la supplication, la soumission : "s'il est permis... d'oser te demander... daigne...
    - l' impératif : "fais que..." suivi d'une succession de subordonnées
    - le subjonctif : "puissent..."

  5. Un ton solennel et incantatoire : une prière construite selon les règles de l'éloquence oratoire
    -un rythme ample : la longue période introduite par "fais que..."
    - les structures anaphoriques
    - les rythmes binaires et ternaires.

 II. La prière d'un philosophe déiste qui  vise à dénoncer l'intolérance et appelle à la fraternité.

A. Une prière qui s'adresse autant aux hommes qu'à Dieu

Dans la longue période introduite par "fais que...", le verbe de départ est progressivement oublié et les différentes subordonnées peuvent être perçues comme s'adressant directement aux hommes.

Dans le dernier paragraphe, l'interpellation s'adresse directement aux hommes : du souhait exprimé à la 3ème personne on glisse vers la première personne du pluriel.

Le texte passe d'une demande d'aide adressée à Dieu à une exhortation adressée aux hommes.

B. Une prière déiste

Le dieu de Voltaire n'est pas celui d'une religion particulière. Le dieu auquel il s'adresse est une divinité unique, universelle dont les attributs (grandeur, majesté, puissance...) sont ceux qu'on retrouve dans la plupart des religions. 

C. Le but humanitaire de la prière : la dénonciation de l'intolérance

  1. Les différences entre les hommes sont génératrices de conflits.
    - mise en valeur de la multiplicité des différences entre les hommes (habillement, langage, lois, opinions) toujours associées à un vocabulaire dépréciatif. Ces différences sont minimisées ("petites différences", "petites nuances"). 
    - mais ces différences engendrent haine et violence : cf. champ lexical du fanatisme, de la violence.

  2. Les différences entre les religions
    - ironie sur la diversité et la puérilité des pratiques religieuses :
            * la manière de pratiquer le culte
            * la diversité des vêtements sacerdotaux
            * la langue du culte
            * l'existence d'une hiérarchie ecclésiastique (condamnation de l'orgueil des princes de l'église).
    - les différents rites sont sources d'incompréhension et de haine. Toutes les pratiques sont associées à l'idée de division et d'intolérance ; cf. la structure binaire des phrases.

  3. Un appel à la fraternité, à la tolérance
    Le dernier paragraphe contient un appel à la compréhension, à la fraternité, à la tolérance, et un rejet de toutes les formes de violence, de tyrannie.

Conclusion

Une prière qui contient un double appel : à dieu, et aux hommes. Voltaire manifeste sa volonté de dépasser la diversité des coutumes, des rites, des croyances, pour fonder une morale religieuse et sociale afin de permettre à l'homme de trouver le bonheur sur terre avec ses semblables.

Lectures complémentaires

Montesquieu, Lettres persanes, lettre 46

Voltaire, Zadig, chapitre 12, "le souper"